Pour faire suite à l’incendie…

Il y a quelques années, nous sommes aller visiter Notre-Dame de Paris.
Surprise : en entrant, il y avait un sens unique qui dirigeait les touristes vers le côté droit, pour visiter l’édifice dans le sens anti-horaire, le sens involutif. Sur le coup, nous nous étions dit : « bon, ce n’est pas si étonnant quand on voit la dérive commerciale de notre société » (C’est dans ce sens que la majorité des supermarchés font tourner leurs visiteurs). Or, dans les lieux sacrés, on préfère en général tourner dans le sens horaire, le sens évolutif (on se demande bien pourquoi).

Plus récemment, fin janvier 2019, nous sommes passés vers 18h. Il y avait une messe et le religieux (celui qui relie) commençait sa prêche. Remontant vers le cœur de Notre-Dame par la gauche, nous avons entendu les mots de division, hélas courants dans cette institution. Il était question de « lutter contre les forces du mal », pour s’établir dans le bien. Certes, il est évident que ce discours est assez confortable, bien peu de personnes sur terre étant en désaccord avec une telle préconisation ! Mais ce discours est battu en brèche par le constat que tout cela se trouve en nous, et que nous ne pouvons pas « chasser le mal » hors de nous. Nous ne pouvons que le voir et le transformer. D’ailleurs, les exemples du « mal » se révélant être un excellent moyen d’éveiller notre conscience – donc un bien – ne manquent pas !

Bref, nous sommes revenus vers la porte d’entrée pour nous asseoir sur un banc. Un mal-voyant (sic!) était assis à 2m sur le même banc, et il discutait à haute voix sur son téléphone. Médusés, nous avons entendu ces mots : « Je suis à Notre-Dame et tous les jours, je prie pour que mon père aille en enfer ! ». Puis, souriant poliment en passant devant nous, il est reparti. Comme nous ne croyons pas au hasard, nous en avons conclu que la religion était bien mal en point, surtout parce que ce message venait d’un lieu très puissant et central.
Lorsqu’on veut être du côté du bien, on a besoin du mal pour valider son discours. Finalement, le « diable » valide le fonds de commerce d’une religion désirant le bien, comme la maladie sert à valider le fonds de commerce de la médecine, l’inculture celui de l’éducation nationale, la délinquance celui de la police, etc.

Le symbole de division que nous sentons ressurgir depuis quelques années (le diable, c’est celui qui divise) était bien présent dans Notre Dame de Paris en ce début 2019. Par la suite, les accusations et condamnations portées contre les religieux pédophiles et contre les représentants de l’Église jugés responsables du silence, n’ont fait qu’amplifier le malaise.
Aussi, le fait que Notre-Dame de Paris brûle le premier jour de la semaine sainte qui mène aux cérémonies de Pâques fait réfléchir. On se préparait à célébrer la résurrection du Christ… Or, l’incendie parle aux fidèles d’une mort dramatique, celle du cœur de la croix, illustrée par la chute de la flèche qui laisse place maintenant à un trou béant dans la voûte.
À force de diviser, n’allons-nous pas reproduire la grande division de l’inquisition, qui a vu des milliers de gens se faire tuer au nom de religions qui prônaient un « dieu amour »1. Quand cesserons-nous les chasses aux sorcières et la persécution des hérétiques de tout bord ? Ce vieux mécanisme – utilisé autant par les religions que par les états et le monde dit scientifique – qui consiste à accuser son chien de la rage pour pouvoir s’en débarrasser plus facilement n’est-il pas dépassé ? Il est illusoire de vouloir séparer l’esprit de la matière, le féminin du masculin, l’ombre de la lumière. Notre cœur, siège de notre âme, n’en peut plus de ces divisions mortifères, car plus nous nourrissons l’un, plus nous avons besoin de l’autre pour exister…

Aussi, compte tenu des événements cités plus haut, nous pouvons aussi analyser l’incendie de Notre-Dame de Paris comme un signal d’alarme envoyé aux institutions religieuses : « Ne parlez plus en terme de division, cessez d’opposer les choses. Au contraire, montrez l’unicité de toute manifestation au-delà du jugement bien/mal ! »

D’ailleurs, question intéressante pour voir si vous avez suivi, cet incendie fait-il partie du « bien » ou du « mal » ?

Gilles Gandy

NB: Voir à ce sujet le billet publié après l’attentat de Charlie Hebdo « Religieux sans religion »

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